Le corps

Mon corps.

Le corps.

Ce corps.

Comment commencer ?


J’ai l’impression que parce que je n’ai pas de complexes, je n’ai rien à dire sur lui.
Et pourtant, plus j’y pense et plus un flot de paroles et de réflexions m’envahissent.


Mon corps est aux normes de la société capitaliste et individualiste d’aujourd’hui : mince.

En Corée, où je vis, on me demande parfois comment je fais pour être si mince. Je souris, toujours gênée par cette question franche et directe. Et tellement normale ici, tout comme les commentaires « tu as grossi ! » ou « tu as maigri ! » qui offusquent le cœur étranger. Je réponds simplement par la vérité : c’est ma morphologie. Je n’y peux rien. Après je me tais. Je sais qu’il n’est pas bon de se plaindre et de déclarer : j’aimerais prendre un peu plus de poids.

Se taire quand six mois après la naissance de ma fille je flotte dans certains pantalons et ne me reconnais plus. On parle toujours des kilos dits ou jugés en trop, que l’on enjoint à perdre un jour, pas de ceux perdus parce qu’on allaite, parce qu’on dort peu, parce que pas le temps de bien se nourrir avec un bébé, parce que la flemme de cuisiner juste pour soi, parce que la charge mentale est déjà bien grande comme ça.

J’ai lu d’autres mères à propos de cette transformation, et les remercie. De tout mon cœur. Parce que se plaindre de maigrir, c’est tabou.

Alors je n’ai rien dit et j’ai essayé de prendre soin de mon corps, de remonter la pente de l’épuisement maternel qui s’est faufilé sournoisement sous les pores de ma peau et dans mon cerveau au fil des mois.

Ce corps qui a accompli l’injonction sociétale, qui a enfanté deux fois, j’aime prendre soin de lui. Faire du sport, sentir les muscles brûler, la sueur perler, la musique irradier. Voir ma posture changer, me sentir bien après l’effort accompli.
J’aime la routine du soir : l’huile démaquillante, la brosse avec le gel nettoyant, le soin contour des yeux, la crème. S’énivrer des parfums, caresser sa peau. Il y a encore un an, on m’aurait dit que je me pencherais avec intérêt sur la k-beauty, j’aurais rit aux éclats d’incrédulité.

Mais voilà, je ne suis plus la même qu’il y a 5 ans, 1 an ou même 6 mois, et j’aime autant prendre soin de moi en écrivant, en lisant, qu’en m’appliquant un masque détoxifiant une fois par semaine.

Dans la glace, observer les premiers cheveux blancs, les premières rides. Ne pas encore savoir qu’en penser et profiter de l’instant.

Ce qui ne change pas, c’est mon ambivalence sur mes poils.
Est-ce que j’ai envie de perdre mon temps à les épiler quand vient l’été ?
Est-ce que j’ai envie d’être l’étrangère poilue dans une société aux personnes naturellement imberbes ?
Quelle message je fais passer à ma fille en les rasant, elle si fière de voir pousser ses petits poils du haut de ses 4 ans ?

Pas de réponse.

J’y vais avec mon ressenti, mon cœur féministe un peu meurtri. J’épile.

Ce qu’il y a de bien dans la parentalité, c’est la remise en question, apprendre, revoir ses classiques. Et nommer. Nommer les parties du corps. Pour de vrai.
Vulve, pénis, téton, testicules.
Des mots pour savoir. Transmettre ce savoir pour donner le pouvoir.

C’est aussi ça, la splendeur de la maternité.

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J’ai écrit ces mots suite à un appel à textes pour le podcast Les Voix des Mères, un beau projet qui donne la plume et la voix aux mères ❤️.
Vous pouvez m’écouter le lire dans l’épisode 10 – partie 1 : https://shows.acast.com/les-voix-des-meres-podcast/episodes/ep-10-le-corps-partie-1
Et suivre leur page Instagram ici : https://www.instagram.com/les_voix_des_meres/

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