Récit d’une grossesse et d’un accouchement en Corée

Un sujet qui me tient à cœur : le partage d’expériences sur la grossesse et la maternité. Pendant ma grossesse, j’ai lu et écouté de nombreux témoignages qui m’ont été d’une grande aide pour me projeter dans l’imprévu et l’inconnu de l’accouchement et sa suite. Cela m’a beaucoup nourrie, et je continue de m’abreuver de ces récits, avec des émotions plus vives, étant moi-même passée de « l’autre côté ».

Partager à mon tour ce récit intime et personnel pourra je l’espère donner plus de force, rassurer, et répondre à des doutes, surtout lorsque l’on se retrouve dans un pays étranger.

Attention, j’ai bien écrit récit dans le titre, cela va être long !

Petit rappel de ma situation au moment où j’écris ces lignes : je suis mariée à un Coréen et vis en Corée depuis maintenant six ans. J’ai accouché en avril 2019.

1. Le test

Tout commence souvent par là, un petit bout de plastique entre des mains fébriles, une notice relue dix fois, un rythme cardiaque qui s’accélère. C’est le moment de vérité. L’incrédulité, la joie, le soulagement, un joli cocktail d’émotions !

Puis vient la confirmation. En France c’est la prise de sang. C’est ce que j’ai lu sur la toile (oui, j’ai recherché « que faire après un test de grossesse », merci Google). Ah ! On aurait dû se préoccuper de se renseigner via le moteur de recherche coréen Naver, et en langue coréenne !

Trop tard. Je suis en route pour l’hôpital près de chez moi, seule, avec en tête l’explication de ma visite.
Je patiente, on me dit que le gynécologue va me recevoir. À ce moment-là, je pense encore que c’était une étape avant la prise de sang. Non.
Le médecin qui m’accueille est très gentil, souriant. On discute. S’ensuit le test de confirmation à l’aide d’une sonde vaginale. J’ai donc pu voir et écouter directement « un petit haricot » au cœur battant, en plus de la datation de la grossesse. Quelle surprise !

2. Le suivi

Nous avons effectué le suivi dans le même hôpital, privé, selon un parcours classique ici : des rendez-vous chaque mois avec le gynécologue, accompagnés d’une échographie (à chaque fois imprimée pour nous les donner) et… c’est tout. Selon les établissements, des cours de yoga prénatal, de sophrologie, de fabrication de vêtements ou accessoires pour bébé sont proposés. Comme je travaillais, j’ai préféré prendre des cours de yoga à l’extérieur avec des horaires qui me convenaient mieux (pas facile à trouver, à croire que les femmes enceintes ne travaillent pas !).
Pour les examens plus poussés (certaines échographies ou prises de sang), tout se fait dans le même bâtiment, le jour même du rendez-vous avec le gynécologue. Les résultats arrivent dans l’heure qui suit ou quelques jours plus tard. En cas de problème, on nous appelle directement, ce qui a été source de stress pour moi qui ne comprenait pas tout en détail, et nous avons donc fini par changer le numéro de contact avec celui de mon mari.

Quoiqu’il en soit, un système assez médicalisé et très efficace.
Notre gynécologue était très à l’écoute et mon mari a été à tous les rendez-vous. Je pouvais donc me reposer sur lui si je n’osais pas poser une question ou ne comprenais pas une explication (tous les rendez-vous étant en coréen). Mon grand regret et source d’inquiétude pour moi ont été le manque d’accompagnement dans la préparation à l’accouchement. Heureusement internet, livres, et cours de yoga ont été là, pour apprendre à respirer, gérer la douleur etc. Car à part une conférence pour nous expliquer le déroulement de l’accouchement et les différents types de chambres, rien !

D’autres détails diffèrent complétement du système français : pas de test pour la toxoplasmose et des médecins très pro-épisiotomie. Pour le premier point, étant très sereine au début de ma grossesse, j’ai suivi le protocole coréen en toute confiance.
Pour le deuxième point, je n’étais pas très rassurée et j’ai spécifié au médecin que je ne voulais pas d’une épisiotomie pratiquée de manière automatique, ce qui a été notifié dans mon dossier, même si l’on m’a dit qu’avec l’estimation du poids du bébé j’en aurais sûrement besoin. En fait j’avais moins peur de l’épisiotomie que de la subir sans consentement.

Et le projet de naissance ? Là encore cela semble très variable d’un établissement à l’autre. On m’a proposé un formulaire avec des cases à cocher sur plusieurs points comme raser les parties intimes, la péridurale etc. D’ailleurs, en évoquant cette piqûre, mon gynécologue m’a conseillé de la prendre et j’avoue avoir un peu hésité au début du suivi. Finalement, ne me sentant pas assez solide, ni accompagnée dans ce choix éventuel, j’ai préféré la prendre tout en sachant, grâce à une amie, qu’une péridurale en Corée était différente d’une péridurale française, c’est-à-dire beaucoup moins dosée. Il n’y a donc pas de rendez-vous avec un anesthésiste au préalable.

3. Ma grossesse

Concrètement comment ai-je vécu ces neuf mois ?
Au début très sereinement et surtout sans grands désagréments comme les nausées. J’ai continué à travailler jusqu’au début du huitième mois, je suis allée à la piscine, j’ai fait du yoga et j’ai eu la chance et le bonheur d’avoir pu passer Noël en France avec ma famille. Dans l’ensemble tout s’est bien passé et j’ai vraiment aimé être enceinte, même si c’est parfois un peu difficile de s’habiller l’hiver (j’avoue avoir envié les femmes enceintes en période estivale sur Instagram).
Ce qui a été physiquement difficile fut la fatigue du premier trimestre, avoir mal aux côtes, et des plaques rouges sur le ventre qui m’ont démangée le troisième trimestre (malheureusement il n’y a pas de miracle, à part se tartiner d’huile, dans mon cas cela n’a disparu qu’à la naissance), des choses dont je n’avais jamais entendu parler avant d’être enceinte !
Passée la nouvelle année 2019, j’ai eu une période de stress, car nous n’avions encore rien préparé pour l’arrivée du bébé. J’ai eu aussi des périodes où l’accouchement m’inquiétait. Le travail de la respiration et la sophrologie (dont je parle ici), et bien sûr mon mari, m’ont été d’une aide précieuse lors de ces moments de doutes.
Avec le recul, j’ai eu une grossesse sans encombre pour le bébé et assez facile pour moi.

Par contre l’attente du grand jour, l’attente de ce chamboulement imminent, la hâte d’accueillir notre enfant, la peur de la suite, cette attente des derniers jours, la fatigue physique de la fin, j’ai détesté ! Je voulais mettre un terme au suspense, tout simplement, même si bien sûr j’ai su profiter et savourer chaque instant jusqu’au bout.

4. L’accouchement

L’hôpital qui me suivait propose un accouchement selon la méthode Leboyer, médecin français qui a écrit notamment Pour une naissance sans violence (et que je n’ai malheureusement pas encore pu lire), où l’arrivée du bébé se déroule comme suit :  les lumières sont tamisées, on parle tout bas, le cordon n’est pas coupé tout de suite, l’enfant est posé sur la mère et un peu plus tard le père lui donne le bain. J’étais très rassurée et en accord avec cet accueil du nouveau-né, et c’est de cette manière que notre fille a pu venir au monde.

Je sais, je vais un peu trop vite ! On rembobine : nous voici arrivés à la date du terme, le 29 avril 2019. Pendant la journée, aucun signe, rien de particulier. Peut-être que certains et certaines d’entre vous se remémorerons le printemps 2019 pour son événement télévisuel, soit la dernière saison de Game of Thrones (que je mentionne ici d’ailleurs, mais bref, c’est un autre sujet !). Avec mon mari, on était bien sûr dans le coup, se demandant jusqu’à quel épisode nous pourrions profiter de ce moment rien que tous les deux.
Pourquoi je raconte tout ça ? Hé bien le 29 avril correspondait au visionnage du troisième épisode, dont nous avons profité le soir, avec une bonne infusion et un carré de chocolat (ou deux ?). Arrive le moment de me coucher (où je me dis encore une fois que ce n’est pas pour aujourd’hui, que ce sera sûrement pour le mois de mai au final), et après un dernier petit pipi, je sens ma culotte se mouiller peu à peu. Pas d’erreur possible : je suis en train de perdre les eaux. Il est minuit, c’est un peu la panique. Mon mari appelle l’hôpital puis un taxi et on a à peine le temps de prendre nos affaires que l’on est déjà en route.

Enfin ce jour arrive ! Je crois que je suis ouverte à 3 à mon arrivée.
On (deux infirmières qui seront là jusqu’au bout) nous installe directement en salle d’accouchement, où je me change, on me rase et on m’insère un suppositoire pour aller ensuite me vider aux toilettes.

On regarde aussi mon dossier et on me prévient qu’avec le poids du bébé je risque quand même l’épisiotomie (poids estimé à 3,7 kg). Je commence à avoir des contractions que je sens au niveau du vagin. Je respire, mais les pics de douleur sont assez longs et j’ai parfois du mal à ne pas me crisper, ne pas perdre ma concentration et mon souffle. Je ne crie pas, je parle peu. Mon mari me tient la main et me masse les poignets avec un mélange d’huiles essentielles spécialement prévu pour l’accouchement que j’avais préparé à l’avance.

On ne veut pas me donner la péridurale car le bébé est encore trop haut. Je suis allongée, et étant sous monitoring on ne veut pas que je bouge. J’aurais aimé me lever pour que la gravité aide notre fille, mais non, il faut patienter dans cette position et lui laisser faire sûrment plus d’efforts pour descendre. Je fais de mon mieux pour gérer la douleur jusqu’à ce que l’anesthésiste arrive enfin (on a testé le produit avant sur mon bras pour vérifier toute réaction). Lors de la pose mon mari doit sortir. Tout se passe bien.
Même si, comme dit plus haut, je savais que la péridurale coréenne était beaucoup moins dosée, je m’attendais naïvement à pouvoir dormir un peu, ne plus ressentir la douleur pendant un moment. Bon, ça n’a pas été du tout le cas, la douleur des contractions s’est atténuée, et j’ai pu gérer les douleurs avec la respiration, ce qui est déjà très bien en soi, mais pas le répit que j’avais espéré.

Le temps passe, mon mari s’assoupit sur le canapé à côté du lit quelques instants. Nous sommes toujours au milieu de la nuit et je ne sais plus à quel moment on se rend compte que je suis totalement ouverte.
Quand je sens que j’ai envie de pousser, on appelle les infirmières qui viennent et se mettent de chaque côté, prennent mes pieds et jambes, je dois prendre mon souffle et bloquer ma respiration en poussant. J’entends encore la voix très énergique de l’une d’entre elle : « encore un peu, encore un peu, encore un peu, c’est bien ! »  à de nombreuses reprises.

La péridurale n’aura eu qu’une heure d’effet environ, et on a réinjecté du produit plus tard, à notre demande. A un moment (je perds un peu le fil du temps…), on m’a mis également un masque pour être mieux oxygénée.
On a dû attendre le gynécologue qui me suivait avant les poussées finales et cela a été horrible de ne pas essayer de pousser à ce moment-là (les infirmières étaient occupées ailleurs en plus). Heureusement il est quand même vite arrivé, et on a préparé la pièce pour accueillir notre fille selon la méthode Leboyer, décrite plus haut. J’ai tout senti pour pousser correctement jusqu’à la fin. Par contre on m’a aussi appuyé sur le ventre et fait une petite épisiotomie (avec mon consentement). Avec le recul je ne pense pas que ces deux choses étaient nécessaires, si ce n’est pour accélérer l’arrivée du bébé.

Quoiqu’il en soit, je comprends que l’on utilise l’expression « délivrance », car c’est vraiment ce que j’ai ressenti !
Puis viennent le cri et la rencontre, quelles émotions !! On nous incite à lui parler pour la rassurer, et même si je ne me souviens plus exactement de nos mots, cet instant reste mémorable. Mon mari était présent tout le long et a pu lui couper le cordon et lui donner le bain à côté.

Pour un premier accouchement je me sens extrêmement chanceuse : le tout n’aura duré que 7h30 !

Voilà mon expérience (je vous avez dit que ce serait un peu long !). J’ai souvent revécu ces moments les premiers jours et premières semaines et c’est bien sûr quelque chose qui fera partie de moi à jamais.

La prochaine étape de ce récit est le quatrième trimestre, où il y a vraiment tant à dire tellement c’est une période traitée différemment en Corée. J’ai hâte de pouvoir vous en parler !

Au moment où j’écris ces dernières lignes, mes pensées vont à toutes les futures mamans confinées, celles qui viennent d’accoucher et débutent une nouvelle vie dans cette situation si particulière. Force et courage ! Vous n’êtes pas seules. ♥

Petite mise à jour (mars 2022) : si vous souhaitez découvrir un autre témoignage d’accouchement et de post-partum en Corée du Sud, je vous recommande ces deux épisodes super intéressants du podcast Expat Families (deux témoignages de la même maman pour ses deux accouchements )  :

Épisode 10: Hélène

Épisode 54: Hélène

7 commentaires sur “Récit d’une grossesse et d’un accouchement en Corée

  1. Super intéressant ton récit et surtout très détaillé. Avec pleins de suspens & rebondissements. En te lisant , je serrais les jambes alors que je me suis pas sur le point d’accoucher et encore moins enceinte! Lol. La force du récit. Merci Lipo!

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  2. J’ai vécu une grossesse en Italie et une autre en Espagne. Pour la première, j’ai cherché quelque chose qui ressemblait le plus possible à la France. Pour la 2ème, je me suis écoutée.

    Une question, comment est le public en Corée ?

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    1. Merci pour ton message. C’est important de s’écouter mais pas toujours évident pour une première grossesse ! Je me pose parfois des questions sur le déroulement d’une deuxième grossesse en Corée, sur ce que je voudrais ou non…

      Pour le système public en Corée je ne peux malheureusement pas répondre avec des informations très précises car les hôpitaux publics sont moins nombreux que les structures privées. Je pense que l’accouchement est similaire à ce que j’ai décrit, en dehors de la méthode Leboyer. Désolée de ne pouvoir en dire plus !

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      1. Pas de problème. En Italie, j’ai été suivie dans le privé. Mais en Espagne, dans le public. J’aime bien comprendre les différences entre privé et public et ce qui nous pousse à choisir l’un ou l’autre. Du coup, je vais faire une recherche sur le système coréen.

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      2. Je comprends. A mon avis, la différence pour l’accouchement est le coût du séjour à la maternité (qui dure 2-3 jours). En terme de suivi, cela reste très bon marché, même dans le privé, et toutes les femmes enceintes reçoivent une aide du gouvernement (environ 500 euros) pour couvrir le suivi et les soins durant la grossesse.

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